Le lait fermenté
Élie Metchnikoff (1845 – 1916) est le premier scientifique à avoir émis l’hypothèse que certains aliments présentent des « microbes utiles » permettant de prolonger la vie, hypothèse qu’il détaille dans son livre « Essais optimistes »[i], publié en 1907. Il y parle de la fermentation lactique comme « moyen d’empêcher la putréfaction des aliments » et cite la choucroute, les concombres, les fruits, le lait…. Il associe la consommation de lait aigri à la longévité de certaines peuplades : le kéfir (lait de vache fermenté) chez les montagnards du Caucase, le koumis (lait de jument fermenté) chez les peuples nomades de la Russie orientale, le leben raib (lait aigri de buffle, de vache ou de chèvre) en Égypte, le lait de chameau (doux ou aigri) chez les Arabes nomades du désert (cf. figure 1)…
Son laboratoire à l’Institut Pasteur a confirmé la présence du « bacille bulgare » dans le « yahourth bulgare », découvert par Stamen Grigorov[ii] à Genève en 1905. L’espèce identifiée est aujourd’hui dénommée Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus[1]. Au final, Élie Metchnikoff pense que les produits fermentés ont pour effet de créer un équilibre entre la flore digestive pathogène et la flore bénéfique. Il ne se limite cependant pas aux produits laitiers, et pour lui la culture du « bacille bulgare » dans des « bouillons végétaux » produit les mêmes effets bénéfiques.
Aujourd’hui, un yaourt est obligatoirement le produit de la culture de deux bactéries lactiques thermophiles, et ces deux espèces seulement : Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Elles doivent être ensemencées simultanément et se trouver vivantes dans le produit fini, avec un minimum d’un million de bactéries par gramme. Typiquement, un yaourt fermente pendant 2 à 3 heures, entre 42 et 45°C, ce qui en fait un produit propice à une fabrication industrielle.
Mais tous les laits fermentés ne sont pas des yaourts ! Il existe une très grande variété de laits fermentés (cf. figure 1), autant par les ferments utilisés que par le lait employé. Le kéfir de lait, par exemple, peut contenir plus de 30 micro-organismes différents. Un lait fermenté doit contenir au moins 10 millions de bactéries par gramme selon la norme codex (CODEX STAN 243-2003) ; un bon lait fermenté devrait contenir plus de 100 millions de bactéries par gramme.
Le lait fermenté K-Philus
Le lait fermenté K-Philus trouve ses origines dans les années 1960, dans la ferme de Madame Klein-Lecat, avec l’aide de chercheurs en agroalimentaire. Ils ont pu identifier des ferments aux qualités exceptionnelles et les adapter à la culture sur lait. K-Philus est fabriqué avec un lait de très haute qualité provenant d’animaux en bonne santé, nourris de façon équilibrée, variée et pâturant en région montagneuse.
K-Philus est obtenu par la seule action de ses ferments probiotiques, Lactobacillus acidophilus et Lactobacillus rhamnosus, et de lactocoques améliorant l’arôme. Une longue fermentation, dans des conditions semi-artisanales, de 10 à 15 heures, est nécessaire pour permettre aux souches actives de se développer en grand nombre. Tout ajout de la souche traditionnelle du yaourt, Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus, est évidemment exclu. Le lait fermenté K-Philus est donc élaboré dans des conditions semi-artisanales et non industrielles, en raison de ces contraintes.
K-Philus est un lait fermenté exceptionnel. Il est issu d’une longue fermentation, ayant la particularité d’être réalisée à 37°C, température propice aux ferments, qui restent donc VIVANTS et ACTIFS. Cela permet d’obtenir une très forte concentration en lactobacilles, de l’ordre de 50 à 100 milliards de bactéries vivantes par pot, suivant le lait utilisé et la saison. De plus, K-Philus bénéficie d’une protéolyse naturelle plus longue de l’ensemble des protéines du lait, dont la caséine. Cette fragmentation est due à l’action des ferments L. acidophilus et L. rhamnosus.
Le microbiote
Le microbiote intestinal, encore appelé flore intestinale il y a peu, est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, virus…) qui se trouvent dans le système gastro-intestinal (estomac, intestin, selles…). Les micro-organismes présents dans le tube digestif coopèrent avec leur hôte humain, avec des avantages pour chacune des espèces : il s’agit de mutualisme[iii]. Le nombre de micro-organismes est estimé entre 1 000 et 100 000 milliards (1012 à 1014). Plus de 1000 espèces pouvant appartenir au microbiote ont été dénombré. En moyenne, un même individu héberge 160 espèces différentes[iv].
Le microbiote est très impliqué dans le système immunitaire[v] et dans plusieurs voies métaboliques[vi] (cf. figure 2) : digestion des sucres, des protéines et des fibres, métabolisme des acides biliaires et des molécules étrangères (médicaments, polluants…). Le microbiote synthétise aussi des vitamines essentielles, comme les vitamines B12[vii] ou la vitamine K2[viii].
Il existe un lien entre la composition du microbiote et certaines maladies (diabète, maladie de Crohn, allergies, cancer colorectal[ix]…), mais les chercheurs ne sont pas encore certains que la modification du microbiote est bien une des causes de la pathologie.
Effets du microbiote
Les preuves à propos des effets bénéfiques des probiotiques s’accumulent. Nous n’allons pas en faire une liste complète ici, mais seulement souligner deux points intéressants.
Les bactéries intestinales produisent des hormones et des neurotransmetteurs identiques à ceux produits par l’Homme[x]. Les bactéries peuvent ainsi stimuler le système nerveux intestinal (entérique) et envoyer des signaux au cerveau via le nerf vague. Cela permet de moduler la composition du sommeil et la réponse au stress produite par l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien). Les bactéries influencent la mémoire, l’humeur et les processus cognitifs.
Les bénéfices pour la santé liés à la consommation de fibres sont notamment liés à leur digestion bactérienneibid.. En effet, les sucres non digestibles pour l’homme peuvent être fermentés par les bactéries, et sont la source d’acides gras à chaînes courtes (acide acétique, identique à l’acide du vinaigre, acide propionique, et acide butyrique). Ces molécules ont des notamment des effets anti-inflammatoires, augmentent la sensibilité à l’insuline, et sont source d’énergie pour l’épithélium du côlon.
La recherche avance
Les Récepteurs Couplés aux Protéines G (RCPG) appartiennent à une classe pharmacologique de premier plan : environ le tiers des médicaments cible des RCPG ! Les acides gras à chaînes courtes produits par les bactéries touchent justement plusieurs RCPG impliqués dans le métabolisme et l’inflammation[xi], ce qui pourrait expliquer plusieurs effets bénéfiques des probiotiques.
La sérotonine, un neurotransmetteur, cible également des RCPG. Elle intervient dans la régulation de l’humeur, du sommeil de l’appétit, de la douleur et de la température du corps. Le microbiote influence tellement ce système sérotoninergique qu’on parle aujourd’hui de l’axe « cerveau – intestin – microbiote ». Cet axe est à présent particulièrement étudié. Le nerf vague est largement impliqué, mais les mécanismes fins sont encore mal connus. Cibler le microbiote pourrait être une approche thérapeutique pour certaines pathologies liées au système sérotoninergique[xii]. Par ailleurs, des altérations du microbiote pourraient participer à la survenue de maladies telles que l’autisme, la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer[xiii].
Microbiote et alimentation : probiotiques et prébiotiques
L’alimentation joue un rôle prépondérant dans notre santé et notre bien-être. On pense naturellement aux nutriments, aux vitamines, aux oligo-éléments… Mais certains micro-organismes (les bactéries, notamment) jouent un rôle longtemps insoupçonné mais prépondérant, au point que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)[xiv] se sont emparés du sujet. Il s’agit des probiotiques, dont la définition admise aujourd’hui est :
« Micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont consommés en quantités adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l’hôte »[xv],[xvi]
Le microbiote joue donc un rôle vital dans la santé humaine, et l’enrichir ne peut être qu’intéressant. Pour ce faire, nul besoin de médicaments – au contraire, des antibiotiques ne feraient que le fragiliser. Il suffit d’une part des bons aliments, qui contiennent les micro-organismes vivants souhaités et en quantités suffisantes : yaourts, lait fermenté, levure de bière… On retrouve là les différents points permettant de définir un probiotique. Et d’autre part, il faut fournir à nos bactéries les nutriments favorisant leur développement, nutriments qu’on appelle prébiotiques.
Les prébiotiques sont des ingrédients alimentaires non digestibles, qui sont utilisés sélectivement par des microorganismes de l’hôte, apportant un bénéfice pour la santé[xvii],[xviii]. En effet, si un prébiotique n’est pas digestible par l’homme, il est fermentescible par certaines bactéries. Les prébiotiques sont très majoritairement des glucides, comme l’inuline, le lactulose, les amidons résistants…
Les prébiotiques se trouvent naturellement dans les fruits et légumes, notamment sous forme de fibres. Ce sujet mérite un document à part entière… Nous dirons simplement que l’ail et l’oignon, la farine de blé complète, la banane, ou encore les tubercules de souchet, par exemple, sont riches en prébiotiques, ainsi que le lait maternel !
Document rédigé en avril 2018.
[1] Synonyme : Lactobacillus bulgaricus
[i] Metchnikoff E., 1907. Essais optimistes, Paris, Éditeur A. Maloine, pages 215 à 238
[ii] Grigoroff S., 1905. Étude sur un lait fermenté comestible. Le “Kisselo-mleko » de Bulgarie. Revue médicale de la Suisse Romande, vol. 25, no 10
[iii] Dethlefsen L. et al, 2007. An ecological and evolutionary perspective on human-microbe mutualism and disease. Nature. 449(7164):811-8
[iv] https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/microbiote-intestinal-flore-intestinale, étude MetaHIT, consulté le 21/03/2018
[v] Purchiaroni F. et al, 2013. The role of intestinal microbiota and the immune system. Eur Rev Med Pharmacol Sci 17:323-333
[vi] Amon P. and Sanderson I., 2017. What is the microbiome? Archives of Disease in Childhood – Education and Practice 102(5):257-260
[vii] LeBlanc J.G. et al, 2013. Bacteria as vitamin suppliers to their host: a gut microbiota perspective. Curr Opin Biotechnol. 24(2):160-8
[viii] Conly J.M. et al, 1994. The contribution of vitamin K2 (menaquinones) produced by the intestinal microflora to human nutritional requirements for vitamin K. Am J Gastroenterol. 89(6):915-23
[ix] Sobhani I. et al, 2011. Microbial dysbiosis in colorectal cancer (CRC) patients. PLoS One 27;6(1):e16393
[x] Galland L., 2014. The gut microbiome and the brain. J Med Food. 17(12):1261-72
[xi] Tan J. et al, 2014. The role of short-chain fatty acids in health and disease. Adv Immunol. 2014;121:91-119
[xii] O’Mahony S.M. et al, 2015. Serotonin, tryptophan metabolism and the brain-gut-microbiome axis. Behav Brain Res. 277:32-48
[xiii] Kim N. et al, 2018. Mind-altering with the gut: Modulation of the gut-brain axis with probiotics. J Microbiol. 6(3):172-182
[xiv] http://www.fao.org/food/food-safety-quality/a-z-index/probiotics/fr/, consulté le 15/03/2018
[xv] Guarner F., Schaafsma G.J., 1998. Probiotics. Int J Food Microbiol 39:237-8.
[xvi] Report of a Joint FAO/WHO Expert Consultation on Evaluation of Health and Nutritional Properties of Probiotics in Food including Powder Milk with Live Lactic Acid Bacteria. Cordoba, Argentina, 1-4 October 2001. Health and Nutrition Properties of Probiotics in Food including Powder Milk with Live Lactic Acid Bacteria. http://www.fao.org/3/a-a0512e.pdf, consulté le 15/03/2018
[xvii] Anses. Effets des probiotiques et prébiotiques sur la flore et l’immunité de l’homme adulte. 2005.
[xviii] Glenn R. Gibson, Robert Hutkins, Mary Ellen Sanders, Susan L. Prescott, Raylene A. Reimer, Seppo J. Salminen, Karen Scott, Catherine Stanton, Kelly S. Swanson, Patrice D. Cani, Kristin Verbeke, Gregor Reid. Expert consensus document: The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of prebiotics. nature reviews gastroenterology & hepatology. 2017, Vol. 14, pp. 491-502.